La Hongrie durcit fortement le ton avec la crypto

En Europe, la Hongrie a choisi la trajectoire la plus dure : l’utilisation d’exchanges non autorisés est devenue un délit, passible de plusieurs années de prison. Une démarche choc, dans un paysage crypto en pleine MiCA.

Oriane Nyikeine Par Oriane Nyikeine Dernière mise à jour 4 mins read
La Hongrie durcit fortement le ton avec la crypto

Pour Résumer

  • La nouvelle loi, en vigueur depuis le 1er juillet, punit l’utilisation d’exchanges non autorisés jusqu’à 2 ans de prison pour particuliers, 8 ans pour prestataires.
  • Près de 500 000 citoyens pourraient désormais être exposés à des poursuites, dans un flou réglementaire qui inquiète les acteurs fintech.
  • Revolut suspend ses services crypto en Hongrie, illustrant un possible exode des plateformes avant la clarification des autorités.

Une loi pénale inédite en Europe

Depuis le 1er juillet, Budapest a intégré dans son Code pénal deux nouvelles infractions : « abus de crypto-actifs » et « prestation d’échange non autorisée ». Pour les particuliers, les peines varient selon les montants. Une transaction comprise entre 5 et 50 millions de forints (environ 13 300 à 133 000 €) peut entraîner jusqu’à 2 ans de prison.

Entre 50 et 500 millions (soit 133 000 à 1,33 million d’euros), la sanction peut grimper à 3 ans. Au-delà de 500 millions, la peine maximale atteint 5 ans. Les prestataires non agréés s’exposent à 3 ans de prison, voire 8 ans en cas d’opérations à grande échelle.

Cette sévérité envoie un signal politique fort : la Hongrie adopte une approche pénale qui rappelle la ligne dure observée aux États-Unis ou en Corée du Sud en 2022, à l’époque où ces pays multipliaient les poursuites contre les plateformes non enregistrées notamment. La Hongrie se démarque ainsi des approches administratives un peu plus souples en vigueur ailleurs dans l’UE.

Effet choc sur le marché local

La réaction des acteurs du marché a été immédiate. Revolut, qui compte plus de 2 millions de clients en Hongrie, a suspendu tous ses services crypto début juillet, puis n’a autorisé que les retraits. Bitstamp a également mis ses prestations en pause, citant l’incertitude légale.

Plus inquiétant encore : plusieurs fintechs locales menacent de délocaliser leurs activités. Le Fintech Association a mis en garde contre une fuite des startups vers des juridictions plus accueillantes, comme l’Irlande ou le Portugal. Il en va de la survie d’un écosystème tout entier, déjà fragile.

Un vide réglementaire inquiétant

L’autre bombe sous ce nouveau régime, c’est l’absence de règles claires : la SZTFH dispose de 60 jours pour émettre des directives, mais aujourd’hui, personne ne sait comment se mettre en règle. Les entreprises peuvent se voir reprocher leur fonctionnement rétroactivement. Un juriste cité par Cryptonomist résume :

« Il s’agit d’une législation à laquelle personne ne peut se conformer dès son entrée en vigueur »

Sans validation officielle, chaque transaction devient potentiellement illégale, plongeant les utilisateurs dans un état d’insécurité juridique total.

En outre, on peut dire que le calendrier de cette réforme est significatif. Elle coïncide avec l’application de MiCA, le nouveau cadre crypto européen. Alors que Bruxelles prône une régulation protectrice, la Hongrie marche à contre-courant, en criminalisant des pratiques que l’UE souhaite simplement encadrer.

Cette rupture interroge forcément : Budapest vise-t-elle à dissuader les usages crypto, voire à “protéger” les citoyens d’eux-mêmes ? Ou s’agit-il d’un outil politique pour limiter le capital mobile et renforcer le contrôle financier national ? Les chances que cette loi soit atténuée près du Parlement européen semblent faibles à l’heure actuelle.

Une Europe fragmentée, des utilisateurs pris dans l’étau

L’Europe est déchirée. D’un côté, l’UE permet l’innovation, de l’autre, un pays membre ferme la porte avec brutalité. À terme, cela pourrait créer une fracture numérique : certains citoyens européens auront un accès légal aux exchanges, tandis que les Hongrois devront recourir à des plateformes offshore, prenant ainsi des risques pour leur capital en crypto.

Victor Orban Premier Ministre Hongrois

En attendant la publication des règles, la seule posture prudente pour les hongrois consiste à conserver ses cryptos sans les échanger, du moins jusqu’à ce que les modalités soient clairement définies. Il est à noter, cependant, que la Hongrie n’est pas la seule à durcir le ton : la Pologne envisage des règles similaires, et l’Italie renforce ses contrôles AML pour les exchanges.

Mais frapper directement sur un plateau un demi-million d’utilisateurs via le Code pénal marque un nouveau cap. Une criminalisation de l’économie numérique, qui pourrait faire école si d’autres pays suivent. Et pendant ce temps, les acteurs globaux comme Binance ou Coinbase continuent de servir la Hongrie, preuve que le drame est avant tout local.


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Oriane Nyikeine

Journaliste spécialisé dans l’écosystème crypto et Web3, Oriane décrypte l’actualité des marchés, des projets blockchain et des grandes tendances du numérique pour Coinspeaker. Issu d’une formation en business et passionnée par l’univers décentralisé, elle explore les mutations technologiques, les enjeux économiques et les mouvements sociétaux liés aux cryptomonnaies. Forte de plusieurs années d’expérience dans la rédaction de contenus web, elle s’est progressivement tournée vers l’univers des actifs numériques, avec un intérêt marqué pour les dynamiques géopolitiques et macroéconomiques qui façonnent ce secteur en constante mutation. Rédactrice passionnée, son objectif est de décrypter l’actualité du Web3, des blockchains et des marchés numériques pour offrir aux lecteurs des analyses claires, fiables et percutantes

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