La Banque d’Angleterre part en croisade contre les cryptos

Tandis que la crypto séduit le Congrès américain, à Londres Andrew Bailey engage une bataille politique et technique : interdiction de stablecoins privés pour les banques, éclair pour les dépôts numériques encadrés.

Oriane Nyikeine Par Oriane Nyikeine Dernière mise à jour 4 mins read
La Banque d’Angleterre part en croisade contre les cryptos

Pour Résumer

  • La Banque d’Angleterre déconseille fermement aux banques d’émettre des stablecoins privés, qu’elle juge risqués pour la stabilité financière.
  • Elle défend en revanche les dépôts tokenisés, perçus comme une alternative numérique sûre et maîtrisée.
  • Ce choix stratégique illustre une troisième voie entre l’approche américaine pro-stablecoins et la régulation européenne MiCA.

Une mise en garde sévère contre les stablecoins bancaires

Dans un discours très attendu prononcé ce 12 juillet, Andrew Bailey, gouverneur de la Banque d’Angleterre, n’a pas mâché ses mots. En effet, il a explicitement déconseillé aux banques britanniques d’émettre leurs propres stablecoins, estimant que cela créerait des risques systémiques majeurs.

Pour lui, permettre aux institutions de transformer des dépôts classiques en tokens adossés à la livre ou au dollar reviendrait à ouvrir une boîte de Pandore monétaire. Fuite des dépôts, bilans bancaires fragilisés, crédit privé en berne… la perspective est jugée particulièrement dangereuse.

Andrew Bailey – Gouverneur de la Banque d’Angleterre

Derrière cette position se cache une priorité assumée : préserver la stabilité monétaire et financière du Royaume-Uni dans un environnement technologique en mutation rapide. Là où les États-Unis, avec le GENIUS Act, encouragent la création de stablecoins encadrés par le secteur privé, la BoE (Bank of England) se veut le rempart face à l’accélération du web3.

Un contraste stratégique saisissant, qui révèle deux visions du futur monétaire : l’une portée par l’innovation et les marchés, l’autre par la prudence institutionnelle.

Bailey insiste d’ailleurs sur un point central : l’émission de monnaie, même sous forme numérique, ne peut être laissée à la discrétion du privé. L’histoire monétaire mondiale est pleine d’exemples où des systèmes parallèles, non régulés, ont mené à des bulles, voire à des crises. La crypto n’échappera pas à cette réalité si elle n’est pas intégrée dans un cadre strict, cohérent et supervisé, toujours selon lui.

Les dépôts tokenisés : l’alternative “safe” made in UK

La Banque d’Angleterre n’est pas hostile à la modernisation. Elle le souhaite au contraire, mais à sa manière seulement. Et cette manière passe par les dépôts tokenisés. Contrairement aux stablecoins, ces instruments ne prétendent pas se substituer à la monnaie officielle. Lors d’un discours pour la Bank of England, Andrew Bailey déclare d’ailleurs à propos des stablecoins :

“I am not against stablecoins, but they do have to meet the test of singleness of money.” 

(“Je ne suis pas contre les stablecoins, mais elles doivent répondre au test de l’unicité de la monnaie.”)

Cette méthode représente une forme de dépôts bancaires classiques, numérisés et accessibles à tout moment grâce à une infrastructure technologique nouvelle génération. Mais surtout, ils restent inscrits au bilan de la banque émettrice, ce qui garantit leur solidité et traçabilité en cas de crise.

Cette solution séduit de plus en plus d’institutions anglaises. En effet, elle combine les avantages de la crypto (rapidité, transparence) avec les garanties du système bancaire traditionnel.

Et en cela, elle pourrait représenter un compromis acceptable pour les régulateurs, les banques et les usagers. Une modernisation finalement maîtrisée voire contrôlée mais pas subie.

D’un point de vue stratégique, ce positionnement vise aussi à absolument garder le contrôle. Face à la montée en puissance des fintechs et des stablecoins étrangers, la Banque d’Angleterre cherche à éviter une désintermédiation du système financier national.

Les banques doivent rester des piliers, pas des intermédiaires dépassés. Et si la technologie peut les aider à se moderniser sans s’effacer, alors elle est bienvenue, tant qu’elle est régulée.

Fracture transatlantique et avertissement européen

On pourrait croire que ce qui se joue ici dépasse largement le Royaume-Uni. En effet, alors que l’Europe met en œuvre MiCA pour créer un marché crypto très régulé, et que les États-Unis accélèrent sur la réglementation pro-stablecoins, Londres prend une voie intermédiaire.

Pas de véritables bannissements, mais pas de laisser-faire non plus. Une position hybride, qui reflète la culture réglementaire britannique : ouverte, mais rigoureuse.


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Oriane Nyikeine

Journaliste spécialisé dans l’écosystème crypto et Web3, Oriane décrypte l’actualité des marchés, des projets blockchain et des grandes tendances du numérique pour Coinspeaker. Issu d’une formation en business et passionnée par l’univers décentralisé, elle explore les mutations technologiques, les enjeux économiques et les mouvements sociétaux liés aux cryptomonnaies. Forte de plusieurs années d’expérience dans la rédaction de contenus web, elle s’est progressivement tournée vers l’univers des actifs numériques, avec un intérêt marqué pour les dynamiques géopolitiques et macroéconomiques qui façonnent ce secteur en constante mutation. Rédactrice passionnée, son objectif est de décrypter l’actualité du Web3, des blockchains et des marchés numériques pour offrir aux lecteurs des analyses claires, fiables et percutantes

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