Faruk Fatih Özer, ex-PDG de la plateforme turque Thodex, a été retrouvé mort dans sa cellule le 1er novembre. Condamné à 11 196 ans de prison pour l’un des plus gros exit scams crypto, il purgeait sa peine au pénitencier de haute sécurité de Tekirdağ.
Un décès au cœur d’une saga judiciaire hors norme
La mort d’Özer intervient après quatre années de rebondissements. En avril 2021, Thodex gèle dépôts et retraits sous prétexte de maintenance.
Quelques heures plus tard, la presse locale affirme que son jeune PDG aurait quitté la Turquie avec plus de 2 milliards de dollars d’actifs. Effectivement, Interpol émet une notice rouge, la police perquisitionne, soixante-deux personnes sont interpellées.
Le récit national bascule d’une panne temporaire à un scandale d’État.
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— THODEX (@thodexofficial) April 21, 2021
Son arrestation en Albanie le 30 août 2022 met fin à sa cavale. Extradé, il comparaît à Istanbul au printemps 2023.
En septembre, le tribunal prononce une peine quasi symbolique de l’ampleur des dégâts : 11 196 ans, 10 mois et 15 jours, assortis d’une amende. Néanmoins, deux membres de sa famille écopent aussi de lourdes condamnations.
Entre-temps, des milliers d’épargnants restent sans recours clair. La découverte du corps d’Özer ne leur apporte ni fonds ni réparation. Elle clôt une instruction pénale, pas un traumatisme financier.
De l’exit scam aux 11 196 ans de prison
Le déroulé précis des faits est désormais bien établi. Le 21 avril 2021, Thodex suspend l’activité pour quatre à cinq jours afin, officiellement, de moderniser ses systèmes avec le concours de banques internationales.
La plateforme ne rouvre jamais. D’ailleurs, l’administration d’Istanbul ouvre une enquête, confirme des perquisitions, puis la chasse à l’homme commence.
Pendant plus d’un an, Özer échappe aux autorités avant de tomber en Albanie.
Au procès, l’intéressé nie l’existence d’une organisation criminelle. Il se présente comme un entrepreneur dépassé par la croissance.
Le tribunal n’est pas convaincu. Les juges retiennent fraude, abus de confiance et blanchiment. La peine record frappe les esprits.
Elle entérine une lecture sévère des responsabilités des dirigeants d’échanges. En conséquence, elle crée aussi une ligne de fracture entre victimes qui espèrent un dédommagement et un système judiciaire focalisé sur la sanction pénale.
Un électrochoc pour la régulation turque
Le choc Thodex agit comme catalyseur politique. Dès avril 2021, la Banque centrale interdit l’usage des cryptoactifs comme moyen de paiement.
Faruk Fatih Özer—the ex-CEO of failed Turkish crypto exchange Thodex—was found dead in his prison cell on Nov 1. He’d received a 11,196-year sentence for fraud and money laundering. Investors reportedly lost $2B+ when his exchange collapsed. pic.twitter.com/AMbp2Q265U
— Crypto Rug Muncher (@CryptoRugMunch) November 8, 2025
En 2024, la Turquie adopte une réforme de la loi sur les marchés de capitaux. Ensuite, licences, contrôles, obligations d’information, garde des actifs et publicité entrent dans un cadre plus strict.
Le pays cherche aussi à sortir de la liste grise du GAFI. À court terme, ces mesures alourdissent la charge réglementaire.
À moyen terme, elles créent une base pour développer des acteurs mieux capitalisés et plus transparents. Toutefois, la mort d’Özer rappelle l’origine de ce virage.
Sans Thodex, la séquence aurait été moins rapide.
Adoption en hausse, confiance à reconstruire
Paradoxalement, le scandale a coïncidé avec une adoption soutenue. L’inflation, la dollarisation informelle et la digitalisation des paiements ont poussé des ménages vers les plateformes régulées.
La Turquie figure depuis en tête de la région MENA. Ce dynamisme ne gomme pas le coût humain du crash.
Il impose une exigence accrue en matière de garde, de séparation des actifs, de gouvernance et d’audits. Par ailleurs, les investisseurs turcs ne cherchent pas seulement un rendement.
Ils veulent des garanties simples : qui détient les clés, où sont stockés les fonds, quelles procédures s’appliquent en cas de crise.
La disparition d’Özer ne rendra pas l’argent perdu. Elle met un point final à une affaire devenue symbole.
Aux régulateurs de transformer l’élan législatif en supervision efficace, aux plateformes de prouver qu’elles méritent la confiance.
Aux épargnants, enfin, de diversifier, d’éviter les promesses opaques et de privilégier des acteurs qui publient des preuves de réserves crédibles et des rapports d’audit réguliers. C’est à ce prix que l’écosystème pourra tourner la page Thodex.
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