Binance a décidé d’aller chercher la « génération suivante » directement sur le téléphone des enfants. Avec Binance Junior, l’exchange lance une appli mobile réservée aux 6-17 ans, mais pilotée à distance par les parents.
Un « compte junior » adossé au portefeuille des parents
Binance Junior n’est pas un compte autonome. Techniquement, il s’agit d’un sous-compte sous garde parentale, relié au compte principal d’un adulte déjà vérifié KYC.
L’enfant utilise sa propre appli, mais tout repose juridiquement et opérationnellement sur l’identité du parent.
Depuis leur compte principal, les adultes peuvent envoyer des cryptos vers l’appli Junior, déplacer des fonds on-chain et décider s’ils activent ou non certains produits, comme le Junior Flexible Simple Earn, une version « allégée » des produits rémunérés de Binance.
Introducing Binance Junior, a parent-controlled app and sub-account for kids and teens.
Build family-focused crypto savings and prepare your child for a future empowered by crypto.
Try it now 👉 https://t.co/q4Y50PvApy pic.twitter.com/O1R2yZ4vVE
— Binance (@binance) December 3, 2025
L’idée est de recréer quelque chose qui ressemble aux comptes titres ou livrets pour mineurs dans la finance traditionnelle : l’enfant voit et manipule les actifs, mais le contrôle final reste chez le parent.
Binance présente l’outil comme un prolongement naturel de cette logique : donner une première exposition pratique à la crypto, sans laisser les mineurs seuls devant un carnet d’ordres ou des produits dérivés à levier.
Une liberté encadrée par une couche de contrôle très fine
Dans le détail, la marge de manœuvre de l’ado dépend presque entièrement de ce que le parent accepte de débloquer. Tout part du compte principal, qui alimente l’appli Junior et définit les limites quotidiennes de dépense ou d’envoi.
À partir de 13 ans, les jeunes peuvent utiliser Binance Pay pour envoyer et recevoir des cryptos vers d’autres comptes Junior ou directement vers leurs parents. Là encore, des plafonds journaliers sont fixés par l’adulte, qui peut resserrer ou couper le robinet selon son niveau de confiance ou l’âge de l’enfant.
Binance précise également que certaines fonctions peuvent être désactivées en fonction des juridictions. Selon les pays, l’accès à Earn ou à certains transferts pourrait être bloqué ou restreint pour rester conforme aux lois locales.
L’ensemble reste donc très dépendant du cadre réglementaire, qui n’a clairement pas encore anticipé tous les cas d’usage d’une appli crypto pour mineurs.
Entre accusation de ciblage des enfants et pari sur l’adoption de masse
Sans surprise, l’annonce a déclenché un débat immédiat. Une partie de la communauté crypto voit dans Binance Junior une ligne rouge franchie.
Plusieurs utilisateurs saluent au contraire une étape logique si la crypto prétend devenir une infrastructure financière de long terme.
Pour eux, expliquer tôt ce qu’est un portefeuille, un envoi on-chain, ou même un rendement sur un produit Earn, n’est pas choquant tant que le parent garde la main.
Wait. #Binance is targeting kids now?
Kids who trade?
Is the army of bought kindergarten-KOLs not enough for them? https://t.co/YkuvoTXJ2m
— MASTR (@MastrXYZ) December 3, 2025
Ils considèrent les outils de contrôle comme un compromis acceptable : pas d’accès libre au trading, pas d’effet de levier, mais une familiarisation progressive avec un environnement qui sera probablement incontournable à l’âge adulte.
La fracture se joue autant sur la question de la protection des mineurs que sur l’image globale du secteur. Pour certains, associer « crypto » et « enfants » dans la même phrase donne des munitions aux régulateurs et aux médias hostiles.
Pour d’autres, refuser même l’idée de produits encadrés pour les jeunes revient à admettre que l’écosystème reste fondamentalement toxique.
Ce que Binance Junior dit vraiment de l’état du marché
Au-delà de l’outil lui-même, Binance Junior révèle surtout la phase dans laquelle est entrée l’industrie. Après les ETF, les trésoreries d’entreprises et les produits grand public, la bataille se déplace vers les usages « familiaux », avec la volonté de normaliser la crypto au même titre qu’un compte bancaire pour ado.
Sur le papier, l’architecture semble relativement prudente : garde totale des parents, limites configurables, fonctionnalités filtrées selon les pays. Mais le timing, lui, est beaucoup plus sensible.
Le marché sort à peine d’une séquence de forte volatilité, la régulation reste en construction dans de nombreux États, et l’opinion publique associe encore largement crypto, scandales et spéculation.
La question n’est donc pas seulement de savoir si des ados peuvent cliquer sur « envoyer » dans une appli Binance. Elle est de savoir si l’écosystème est prêt à assumer, face aux régulateurs et aux tribunaux, l’idée qu’un enfant de 13 ou 15 ans détienne des actifs ultra volatils, même sous tutelle numérique.
Comme l’indique la page officielle de Binance Junior, le service sera disponible dans certains pays via l’Apple App Store et le Google Play Store.
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