La Banque d’Italie alerte sur les stablecoins et appelle à une régulation cohérente

Lors de la conférence Economics of Payments à Rome, la vice-directrice de la Banque d’Italie, Chiara Scotti, a mis en garde contre les risques liés aux stablecoins, dont la capitalisation atteint désormais 300 milliards de dollars. Elle a dénoncé la fragmentation réglementaire entre l’Europe, les États-Unis et d’autres juridictions, qui ouvre la porte à l’arbitrage et à l’instabilité. Scotti a également souligné les dangers des stablecoins multi-émissions et appelé à une coopération internationale pour encadrer cette innovation sans compromettre la stabilité financière.

Emmanuel Roux Par Emmanuel Roux Dernière mise à jour 4 mins lecture
La Banque d’Italie alerte sur les stablecoins et appelle à une régulation cohérente

Pour Résumer

  • La Banque d’Italie alerte sur les risques liés aux stablecoins, malgré leur croissance rapide à 300 milliards de dollars.
  • Chiara Scotti a dénoncé la fragmentation réglementaire entre l’Europe, les États-Unis et d’autres juridictions.
  • Elle a aussi pointé les dangers des stablecoins multi-émissions, appelant à une coopération internationale renforcée.

La Banque d’Italie alerte sur les stablecoins et appelle à une régulation cohérente

Chiara Scotti, qui occupe le poste de vice-directrice générale à la Banque d’Italie, a dédié une portion de son allocution lors du symposium Economics of Payments à Rome, le 18 septembre 2025, à l’analyse de la progression du marché des stablecoins (Cryptomonnaie stable).

Elle a mis l’accent sur leur importance grandissante dans l’écosystème des paiements, tout en soulignant les dangers associés à leur développement rapide et aux disparités réglementaires entre différentes juridictions.

Un marché dominé par l’USDT et l’USDC

Selon les données présentées, les stablecoins représentent désormais près de 300 milliards de dollars, soit environ 7,5 % du marché crypto mondial. Leur capitalisation a progressé de 75 % en un an, portée presque exclusivement par des actifs adossés au dollar.

En effet, Tether (USDT) concentre à lui seul 56 % du marché, tandis que Circle (USDC) en détient 25 %. Ensemble, ces deux émetteurs dominent 80 % de l’offre mondiale.

Les stablecoins libellés en euro restent marginaux, avec une capitalisation d’approximativement 620 millions de dollars, soit 0,2 % du total.

Par conséquent, la domination du dollar sur ce marché confirme la dépendance structurelle des cryptomonnaies vis-à-vis de la devise américaine.

Entre innovation et risques persistants

Selon Chiara Scotti, les stablecoins pourraient apporter des avantages en termes d’efficacité pour les paiements, notamment grâce à leur accessibilité 24 heures sur 24 et leur coût réduit sur certaines blockchains.

Par ailleurs, on observe un intérêt grandissant pour ces outils dans les économies émergentes, où ils peuvent parfois jouer le rôle de substitut aux systèmes bancaires conventionnels pour le stockage ou le transfert de valeur.

Toutefois, ces actifs suscitent plusieurs inquiétudes. Ils jouent un rôle prépondérant dans la spéculation sur les cryptomonnaies : près de 90 % des volumes d’utilisation seraient associés au trading, tandis que seulement 6 % le seraient pour les paiements et les transferts.

En outre, leur accessibilité mondiale et leur faible traçabilité favorisent des usages illicites, allant de la fraude au contournement de sanctions.

Des divergences réglementaires sources d’instabilité

La vice-directrice a insisté sur la nécessité de réduire la fragmentation réglementaire. Aux États-Unis, le Genius Act vise uniquement les stablecoins de paiement et adopte une approche relativement souple.

À l’inverse, l’Union européenne a adopté le règlement MiCA, beaucoup plus large, qui impose des obligations strictes en matière de gouvernance, de fonds propres et de protection des investisseurs.

Par conséquent, contrairement à MiCA qui proscrit les frais de rachat et exige des plans de résolution pour les émetteurs, la législation américaine permet ces frais et offre un cadre plus restreint en situation de crise.

Des pays tels que le Royaume-Uni, le Japon ou Singapour élaborent leurs propres modèles, ce qui augmente les risques d’arbitrage réglementaire.

Les défis des stablecoins à multi-émissions

Un autre aspect à surveiller concerne les stablecoins à émission multiple (MISC), qui sont émis par diverses entités dans différents cadres juridiques sous une seule et même marque.

D’après Chiara Scotti, ce modèle pourrait renforcer la liquidité globale, mais il présente des dangers significatifs : décalage entre les réserves existantes et les obligations de rachat, transfert non synchronisé de dettes entre émetteurs et exposition amplifiée aux contraintes de capital en période de crise.

Concrètement, si un émetteur non européen ne suit pas les mêmes normes de transparence et de protection que celles requises par MiCA, les détenteurs européens pourraient se retrouver en situation moins favorable.

Trouver un équilibre entre innovation et stabilité

La Banque d’Italie appelle à une coopération internationale renforcée afin d’éviter la course au moins-disant réglementaire.

Les garde-fous devraient inclure l’équivalence des régulations, la reconnaissance mutuelle des droits de rachat et l’absence d’obstacles juridiques au transfert de réserves en période de crise.

Pour conclure, Chiara Scotti a souligné que les stablecoins peuvent participer à la modernisation des paiements, mais seulement s’ils sont développés en respectant des normes nettes et cohérentes.

Selon elle, le défi réside dans la stimulation de l’innovation tout en préservant la stabilité financière, la protection des consommateurs et la confiance monétaire.


Source : bancaditalia.it


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Emmanuel Roux

Issu de la finance traditionnelle, j’ai naturellement basculé vers l’univers crypto, attiré par son potentiel. Je souhaite y apporter mon approche analytique et rationnelle, tout en conservant ma curiosité. En dehors de l’écran, je lis beaucoup (économie, essais, un peu de science-fiction) et je prends plaisir à bricoler. Le DIY, pour moi, c’est comme la crypto : comprendre, tester, construire soi-même.

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