Crypto-banques : la Fed prépare enfin des comptes spéciaux

C’est une petite révolution discrète, mais symbolique. La Réserve fédérale américaine (Fed) prépare un nouveau type de compte destiné aux entreprises de la finance numérique. Ce projet, baptisé « skinny master account », pourrait enfin ouvrir les portes du système de paiement américain aux crypto-banques et aux fintechs. C’est en effet une première historique.

Emmanuel Roux Par Emmanuel Roux Dernière mise à jour 4 mins de lecture
Crypto-banques : la Fed prépare enfin des comptes spéciaux

Pour Résumer

  • La Fed veut créer des « skinny master accounts » pour offrir un accès limité, mais direct, à son réseau de paiement.
  • Ces comptes permettraient aux crypto-banques et fintechs d’opérer sans passer par les grandes banques.
  • Le projet vise à soutenir l’innovation tout en préservant la stabilité et l’équité du système financier.

Le concept de « Skinny master accounts »

Depuis des années, la Fed avance prudemment face à l’innovation financière. Elle observe, teste, puis avance à petits pas. Mais cette fois, le gouverneur Christopher Waller veut accélérer le rythme. Lors d’une conférence sur les paiements, il a reconnu que la Fed « ne peut plus ignorer la révolution en cours ».

Aujourd’hui, seuls les établissements financiers traditionnels disposent d’un « compte maître ». Ce compte leur permet d’accéder directement au système de règlement et de compensation de la Fed, le cœur même du réseau de paiements américain. Les crypto-banques, elles, restent bloquées à la porte.

Skinny master accounts Conférence FED

C’est justement pour corriger cette inégalité que la Fed envisage le « skinny master account ». En effet, la Fed imagine une version allégée du compte bancaire classique. Ce nouveau format donnerait accès aux services essentiels. Autrement dit, une façon d’ouvrir la porte aux nouveaux acteurs, tout en gardant le système bien stable.

La nouvelle survient alors que de plus en plus de géants de paiements se lancent dans le secteur cryptographique. Il y a quelques jours, la publication d’une offre d’emploi par Wise a suscité des spéculations concernant le développement potentiel de son propre stablecoin.

Comment fonctionnerait ce nouveau compte ?

En clair, l’idée est de donner aux fintechs et aux sociétés crypto, comme Circle, Coinbase, ou Revolut, etc, un accès direct aux tuyaux du système de paiement de la Fed. Ces sociétés n’ont besoin de passer par une grande banque pour envoyer ou recevoir de l’argent.

Autrement dit, un système plus fluide, plus moderne et surtout mieux adapté à la vitesse du monde numérique.

Mais attention, ce ne serait pas un compte bancaire à part entière. Ce « skinny account » n’offrirait pas d’intérêts sur les dépôts, pas de découvert autorisé, ni d’accès à la fameuse « fenêtre d’escompte » de la Fed. En d’autres termes, les entreprises pourraient utiliser le réseau, mais sans profiter du confort d’un véritable compte bancaire.

Pour la Fed, c’est une solution pragmatique. D’un côté, elle soutient l’innovation et favorise la concurrence. De l’autre, elle limite les risques liés à l’intégration d’acteurs moins régulés. Le président du Comité de paiement de la Fed, Christopher Waller a d’ailleurs insisté sur un point :

« Nous devons accompagner le changement, sans compromettre la stabilité. »

Ce projet répond aussi à un besoin d’équité. De nombreuses fintechs peinent à obtenir des services bancaires, souvent par crainte de risques de conformité. Avec ces comptes simplifiés, la Fed offrirait enfin un cadre clair et accessible.

Rappelons qu’en mois d’août, la Réserve fédérale américain a déjà mis fin à un programme de contrôles renforcés des banques impliqués dans le secteur crypto. Preuve que la banque centrale relâche de plus en plus la pression pour inclure les actifs numériques dans ses régulations.

Un tournant décisif pour les crypto-banques

Pour les entreprises du secteur crypto, cette ouverture ressemble à une bouffée d’oxygène. Depuis des années, environ 30 entreprises se battent pour avoir un pied dans le système financier classique. Selon plusieurs acteurs du milieu, il s’agirait d’une manœuvre coordonnée que beaucoup surnomment déjà « Opération Chokepoint 2.0 ».

Caitlin Long, fondatrice et PDG de Custodia Bank, s’est exprimée sur la nouvelle.

Beaucoup dépendent encore de banques partenaires pour effectuer leurs transactions. C’est principalement coûteux, lent et parfois instable.

Si le projet voyait le jour, tout pourrait changer. Outre l’accès des sociétés cryptos au système de paiement, la Fed pourrait mieux suivre les flux crypto, au lieu de les laisser circuler dans l’ombre.

Mais tout n’est pas encore gagné. Le projet avance doucement, car il faut encore fixer les règles, écouter le secteur et rassurer ceux qui redoutent de nouveaux risques.

Cette décision pourrait redonner un avantage compétitif aux États-Unis. En effet, le pays avait pris du retard face à d’autres juridictions malgré d’autres lois comme le Genius Act, comme l’Europe et le Royaume-Uni, plus actives sur ces sujets. En clarifiant les règles, la Fed attire les investissements et favorise l’émergence d’une nouvelle finance.


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Emmanuel Roux

Issu de la finance traditionnelle, j’ai naturellement basculé vers l’univers crypto, attiré par son potentiel. Je souhaite y apporter mon approche analytique et rationnelle, tout en conservant ma curiosité. En dehors de l’écran, je lis beaucoup (économie, essais, un peu de science-fiction) et je prends plaisir à bricoler. Le DIY, pour moi, c’est comme la crypto : comprendre, tester, construire soi-même.

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