La France vient de franchir une étape importante dans sa politique fiscale. Les députés ont voté l’intégration des cryptomonnaies dans l’impôt sur la fortune. Cette réforme, portée par le député Jean-Paul Mattei, vise à mieux encadrer la richesse numérique et à corriger certaines “injustices fiscales”. Mais elle ne fait pas l’unanimité, loin de là.
Une réforme qui change la définition de la richesse
L’amendement adopté fin octobre 2025 élargit le champ de l’Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI), mis en place en 2018 pour remplacer l’ISF. La proposition a été adoptée de justesse, avec 163 voix pour et 150 contre.
Il introduit un nouveau concept : la “fortune improductive”, c’est-à-dire les capitaux jugés inactifs, comme les cryptomonnaies stockées sans usage économique. Ces actifs rejoindraient désormais les biens de luxe ou les lingots d’or dans la liste des richesses taxées.
Jusqu’à présent, les gains sur les cryptos étaient imposés uniquement lors de la vente, via la flat tax de 30 % (PFU). Dorénavant, cette réforme crée une imposition sur la détention même des cryptos, indépendamment des plus-values.
L’administration fiscale fixe le seuil d’imposition à 2 millions d’euros d’actifs improductifs et applique un taux d’environ 1 % sur la part taxable. Pour l’instant, la mesure vise donc les gros portefeuilles. Plusieurs acteurs du secteur craignent que le gouvernement abaisse ce seuil à l’avenir, élargissant ainsi la taxe aux investisseurs plus modestes.
Cette évolution s’inscrit dans une logique plus large : encourager les Français à investir leur argent dans des projets productifs. En parallèle, le gouvernement veut alléger la charge fiscale sur l’immobilier productif, notamment les logements loués et conformes aux normes environnementales.
À titre de rappel, cette nouvelle survient après que la France a fait part de son intention à intégrer Bitcoin dans son système monétaire pour mieux l’encadrer.
Un objectif affiché : relancer l’investissement productif
Selon Jean-Paul Mattei, cette taxe vise à “favoriser la circulation du capital vers l’économie réelle”. Autrement dit, il s’agit d’inciter les détenteurs de capitaux numériques à investir plutôt que de laisser dormir leurs actifs.
Mais cette philosophie ne fait pas consensus. Beaucoup d’entrepreneurs du numérique estiment que le gouvernement passe à côté de la réalité du monde crypto. Selon eux, cet écosystème soutient déjà l’innovation, les start-up et la finance décentralisée.
Pour Cyrille Brière, acteur du secteur DeFi, la taxe est mal calibrée. Il rappelle qu’elle cible la valeur totale des avoirs, et non les plus-values, ce qui crée une inégalité : les actions restent, elles, exemptées.
France recently voted a 1% yearly capital tax on "unproductive assets" when their worth exceeds 1.3m.
Yes you correctly read: capital, not profit. That asset class includes cryptos but excludes stocks.
The message is perfectly clear:
If you don't want your cryptos stolen… https://t.co/OFx1i6pk9E— Cyrille (@cyrille_briere) November 2, 2025
Cette distinction alimente un sentiment d’injustice. En plus, plusieurs experts soulignent un risque concret.
La volatilité et le manque de liquidité des cryptos pourraient forcer certains épargnants à vendre leurs jetons simplement pour payer leur impôt. Ce risque inquiète d’autant plus que le gouvernement pourrait abaisser le seuil d’imposition à l’avenir.
Des réactions vives dans l’écosystème crypto
Les réactions ne se sont pas fait attendre. Éric Larchevêque, co-fondateur de Ledger, parle d’une mesure “purement punitive” envers les Français. Plus spécifiquement, ceux qui utilisent les cryptos comme protection contre l’inflation ou les taux négatifs.
Après le rejet de la taxe Zucman, je pensais qu'on allait enfin pouvoir passer à autre chose et revenir à nos vrais sujets positifs de contribution économique au pays.
Mais voila que l'amendement de l'IFI sur la richesse "improductive" a été voté hier soir.
Seront désormais…
— Eric Larchevêque (@EricLarch) November 1, 2025
Il estime que cette fiscalité risque de faire fuir les capitaux numériques vers des juridictions plus accueillantes, comme le Portugal ou la Suisse.
Beaucoup craignent aussi que cette mesure n’alourdisse encore la réputation d’une France peu favorable à l’innovation financière. Le pays a même demandé la supervision totale du secteur par l’ESMA. Dans un contexte mondial où les États-Unis, Hong Kong ou Singapour cherchent à attirer les acteurs du Web3, Paris enverrait ici un signal contraire.
Sur le plan technique, la mise en œuvre pourrait s’avérer complexe. Comment évaluer la valeur réelle d’un portefeuille crypto au 31 décembre, avec des cours aussi volatils ? Et surtout, comment éviter la double imposition entre plus-values et capital détenu ? Ces questions restent encore sans réponse claire.
Pour l’instant, le texte doit encore passer devant le Sénat. En revanche, son entrée en vigueur est prévue pour le 1er janvier 2026. Si elle est confirmée, la France deviendra le premier pays européen à inclure les cryptos dans l’impôt sur la fortune.
À lire aussi :
- La France inaugure Lise, la première bourse d’actions tokenisées d’Europe
 - La France prête à bloquer certaines entreprises crypto
 - L’Allemagne veut faire du Bitcoin une réserve stratégique : un tournant historique pour l’Europe ?
 
