La Chine s’apprête à franchir un pas que peu auraient imaginé il y a encore quelques années. Pékin envisage en effet d’autoriser l’émission de stablecoins adossés au yuan, une initiative qui viserait à propulser sa monnaie dans l’arène internationale.
Le yuan cherche son terrain de jeu international
Depuis plusieurs années, la Chine rêve d’un yuan capable de rivaliser avec le dollar sur la scène mondiale. Mais la réalité est implacable : le billet vert domine encore 99 % du marché des stablecoins et concentre la majorité des paiements transfrontaliers. Face à cela, le yuan reste cantonné à une utilisation régionale, avec une part marginale dans le commerce global.
En ouvrant la porte à des stablecoins adossés à sa propre devise, Pékin veut inverser la tendance. L’idée est simple : si le dollar gagne en influence grâce aux stablecoins, pourquoi le yuan ne pourrait-il pas suivre le même chemin ?
Ce mouvement traduit une volonté de combler un retard stratégique, au moment où Washington affine son propre cadre réglementaire autour des actifs numériques.
Une décision mûrie à Shanghai
Le projet devrait être discuté en profondeur lors du prochain sommet de Shanghai, où les autorités et les acteurs financiers chinois plancheront sur la question. Pour Pékin, il ne s’agit pas de céder à la logique crypto qu’elle a toujours rejetée, mais de reprendre la main sur un outil qui pourrait devenir décisif dans la compétition monétaire.
L’initiative aurait pour vocation de renforcer les paiements transfrontaliers, notamment en Asie et dans les pays émergents déjà liés à la Chine via ses infrastructures commerciales.
Les stablecoins yuan offriraient une alternative plus rapide, moins coûteuse et surtout indépendante du réseau dominé par le dollar. En filigrane, c’est bien l’ambition d’un nouvel ordre monétaire qui se dessine, où Pékin veut imposer sa monnaie comme contrepoids.
Le dilemme du contrôle
Si l’idée séduit sur le papier, elle pose d’immenses défis. Le gouvernement chinois craint toujours les fuites de capitaux, un sujet hautement sensible dans un pays où la stabilité financière reste prioritaire. Un stablecoin yuan mal encadré pourrait devenir un cheval de Troie, facilitant le blanchiment ou l’évasion monétaire.
Pour éviter ces dérives, Pékin pourrait confier la gestion des émissions à des acteurs triés sur le volet. Il s’agirait probablement d’entreprises publiques ou de fintechs placées sous surveillance étroite.
L’exemple de Hong Kong, où un cadre réglementaire sur les stablecoins est déjà en place, pourrait servir de modèle. Mais la marge de manœuvre restera limitée. Seules quelques licences sont envisagées. Les usages seraient d’abord réservés aux transactions inter-entreprises.
Vers une nouvelle étape de la guerre monétaire
Cette ouverture vers les stablecoins yuan doit se lire comme un épisode supplémentaire dans la guerre monétaire. Elle oppose Pékin à Washington. Les États-Unis consolident leur hégémonie grâce au dollar numérique. Pékin, de son côté, cherche à imposer sa devise dans les flux internationaux.
La Chine n’a pas l’intention d’abandonner son rêve de voir le yuan devenir une référence mondiale. Les stablecoins pourraient bien être l’arme qu’elle attendait pour sortir de l’ombre du dollar. Mais le chemin reste semé d’embûches : il faudra concilier ouverture monétaire et contrôle politique, deux notions rarement compatibles dans le modèle chinois.
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