La bourse américaine Coinbase hausse le ton face au gouvernement américain. Récemment, la société crypto a exhorté le Trésor à revoir et innover les règles anti-blanchiment jugées trop rigides et dépassés. Pou l’entreprise, le message est clair : « si les criminels innovent, les régulateurs doivent faire de même.
Un cadre légal à bout de souffle
L’annonce a été faite par le directeur politique de Coinbase, Paul Grewal, sur le réseau X.
When bad guys innovate in financial crime, good guys need innovation to keep pace. @coinbase filed a response to @USTreasury's Request for Comment on “Innovative Methods to Detect Illicit Activity Involving Digital Assets” to underscore this reality and 4 particular reforms UST…
— paulgrewal.eth (@iampaulgrewal) October 20, 2025
Pour Coinbase, le cœur du problème se trouve dans la rigidité du cadre actuel. Les règles issues du Bank Secrecy Act (BSA) datant de 1970 : celle des banques physiques et des rapports papier. Aujourd’hui, elles ne collent plus à la réalité des cryptomonnaies, un univers où les transactions circulent à la vitesse de la lumière.
L’entreprise pointe du doigt un système saturé. Chaque année, les acteurs financiers soumettent des millions de rapports d’activités suspectes (SAR), souvent pour des opérations légitimes. Cette avalanche de données finit par noyer les signaux vraiment inquiétants. En clair, on produit beaucoup de papier, mais on attrape peu de criminels.
Par ailleurs, Coinbase tire la sonnette d’alarme face à la centralisation massive des données personnelles. Selon elle, obliger les entreprises à stocker autant d’informations sensibles revient à créer des cibles parfaites pour les hackers.
Le 18 août, le Trésor américain a lancé une consultation publique sur de nouvelles approches pour repérer les activités illicites liées aux actifs numériques. Cette démarche, prévue par la loi GENIUS, s’est achevée le 17 octobre.
L’innovation technologique comme plan de bataille
Face à ce constat, Coinbase ne se contente pas de critiquer. Elle propose un plan détaillé et concret de 30 pages.
L’échange propose d’exploiter la blockchain elle-même et l’adoption massive de l’IA. Elle espère rendre le système plus rapide, plus efficace et surtout plus sûr. Elle évoque aussi les preuves à divulgation nulle de connaissance, ou zero-knowledge proofs. Ces outils peuvent repérer les comportements suspects sans violer la vie privée des utilisateurs.
First: Establish a regulatory safe-harbor under the Bank Secrecy Act for firms who responsibly deploy AI to improve AML compliance programs, including their transaction monitoring and SAR reporting. The conditions for that safe-harbor should focus on governance and outcomes, as…
— paulgrewal.eth (@iampaulgrewal) October 20, 2025
Mais la vraie révolution, selon Coinbase, vient du changement d’approche. Fini le modèle « Know Your Customer » (KYC), centré sur l’identité. Place au modèle « Know Your Transaction » (KYT), focalisé sur les mouvements d’argent.
L’idée est claire : suivre les flux de transactions plutôt que les personnes. Car dans la réalité, les criminels se cachent souvent derrière de faux comptes. Avec cette approche, la conformité ne dépend plus uniquement de formulaires et de vérifications manuelles. Elle devient proactive, dynamique et essentiellement, technologique.
Enfin, la plateforme propose d’introduire des “safe harbors” ou zones d’expérimentation réglementaire. Cela permettra aux entreprises de tester de nouveaux outils sans craindre de sanctions immédiates.
Cette nouvelle survient après que Canada a saisi 56 M$ en crypto en raison d’un blanchiment d’argent par une plateforme TradeOrge.
Vers un partenariat public-privé et une conformité basée sur les résultats
Mais l’entreprise ne s’arrête pas là. En effet, la bourse crypto veut renforcer la coopération entre régulateurs, entreprises et développeurs. Ensemble, ils pourraient créer un écosystème plus réactif, sûr et orienté vers des résultats concrets.
Coinbase veut changer la façon dont on mesure la conformité : moins de paperasse, plus de résultats. Pour elle, l’important n’est pas le nombre de rapports envoyés, mais le nombre de fraudes réellement stoppées.
Coinbase tire la sonnette d’alarme face à une régulation jugée trop stricte. Elle appelle donc à trouver le bon équilibre entre innovation et sécurité pour faire grandir tout l’écosystème crypto. Dans ce contexte, le Royaume-Uni semble déjà pris ce conseil plutôt en assouplissant ses règles sur les stablecoins après une pression médiatique et la communauté crypto.
Au fond, cette initiative dépasse le simple cadre des cryptomonnaies. Ce que défend Coinbase, c’est une vision moderne de la régulation, fondée sur la technologie, la transparence et la collaboration. Elle veut prouver qu’il est possible de lutter efficacement contre le blanchiment sans freiner l’innovation.
Derrière cette démarche, on sent aussi une tension croissante entre le secteur crypto et les institutions américaines. D’un côté, les régulateurs avancent prudemment, craignant les abus. De l’autre, les entreprises estiment que le statu quo nuit à la compétitivité du pays.
Et entre les deux, il y a une bataille d’idées : faut-il moderniser les lois, ou continuer à encadrer la crypto comme la finance traditionnelle ?
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