L’Europe s’apprête à entrer dans une nouvelle ère monétaire. Neuf grandes institutions du continent se sont unies pour développer un stablecoin en euro, une première européenne. Le projet marque ainsi une étape importante vers la construction d’une infrastructure monétaire européenne plus indépendante et adaptée aux usages numériques.
Une réponse à la fragmentation et à la régulation
Les neuf grandes banques sont Banca Sella, ING, DekaBank, KBC, UniCredit, Danske Bank, SEB, Raiffeisen Bank et CaixaBank. Leur objectif est clair : elles souhaitent réduire la dépendance du système financier européen aux stablecoins émis par les entreprises américaines et adossés au dollar.
Pour l’instant, des entreprises telles que Tether (USDT) et Corcle (USDC) dominent en effet le marché mondial. Les deux actifs représentent à eux seuls plus de 90 % de la capitalisation totale des stablecoins, un pourcentage impressionnant.
Cette domination soulève de nombreuses questions, notamment en termes de souveraineté économique et de stabilité du marché. Le consortium européen entend ainsi offrir une solution à ces interrogations.
Si le projet est encore à un stade exploratoire, les discussions avancent rapidement. Elles sont portées par l’évolution du cadre réglementaire européen.
Le règlement MiCA, entré en vigueur au début de l’année, pose les bases d’un cadre clair quant à l’émission de stablecoins. Cette réglementation récente donne donc la possibilité à des intervenants bancaires fiables de s’installer légitimement sur ce marché en plein essor.
Ainsi, le futur stablecoin en euro pourrait se baser sur des réserves détenues directement au sein des banques participantes. Cela assurerait une stabilité concrète et un contrôle rigoureux.
La principale force de ce projet réside dans son cadre réglementaire et un appui institutionnel solide. Ainsi, sa viabilité est renforcée. Cela limite les risques qu’il finisse comme certaines initiatives privées telles que le projet Libra (devenu Diem) porté par Meta.
Les avantages d’un stablecoin européen sont multiples. Il pourrait faciliter les transactions bancaires et les paiements transfrontaliers. Il simplifierait également les opérations sur les chaînes publiques et privées.
Un actif numérique stable et adossé à la monnaie unique est donc une solution attractive pour toutes les entreprises qui chercheraient à renforcer leur présence sur le marché des cryptos. Le tout sans s’exposer à la volatilité des devises numériques classiques.
Des enjeux stratégiques et technologiques majeurs
Ce projet, qui dépasse le cadre de l’innovation financière, s’inscrit dans un mouvement plus vaste : la modernisation des paiements en Europe.
La situation actuelle indique que les frontières entre la finance conventionnelle et les crypto-monnaies sont en train de se brouiller. On constate aussi l’expansion de la tokenisation d’actifs et la croissance de la finance décentralisée.
L’arrivée future de l’euro numérique, piloté par la BCE, s’apprête aussi à bouleverser l’écosystème. Face à ces phénomènes, les banques européennes veulent rester pertinentes.
Finalement, on assiste aujourd’hui à une réelle prise de conscience. Les acteurs du secteur financier se rendent bien compte que l’Europe ne peut plus rester inactive face à l’hégémonie des stablecoins en dollar.
En construisant un actif stable fondé sur l’euro, les banques entendent redonner à la monnaie unique un rôle central dans la finance numérique mondiale.
Pour l’instant, le stablecoin en euro n’en est qu’au stade de projet. Si aucun calendrier officiel n’a été dévoilé, on peut espérer qu’un premier prototype voit le jour dans les mois prochains.
Quoi qu’il en soit, cette initiative démontre une volonté commune : faire de l’euro un acteur de poids dans l’économie blockchain. L’Europe aurait ainsi une place de choix dans la révolution monétaire à venir.
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