Tether accuse S&P de FUD : “nos réserves dépassent 215 Mds$”
Tether se retrouve une nouvelle fois au centre du débat. Mais, cette fois, l’attaque ne vient pas d’un rapport anonyme sur X, mais de S&P Global.
Par Emmanuel RouxDernière mise à jour
4 mins de lecture
Pour Résumer
S&P juge la stabilité du principal stablecoin trop fragile, ce que Tether conteste en mettant en avant ses réserves et ses profits.
Certains analystes alertent toutefois sur le risque lié aux positions en Bitcoin et en or, qui pourraient réduire le matelas de sécurité en cas de chute.
Le débat crée un doute systémique autour de la solidité du jeton et de son rôle central dans la finance décentralisée.
Un clash public autour de la solidité de USDt
Tether se retrouve une nouvelle fois au centre du débat. Mais, cette fois, l’attaque ne vient pas d’un rapport anonyme sur X, mais de S&P Global.
L’agence de notation a rétrogradé la capacité de USDt à maintenir son peg au dollar au niveau « faible », son score le plus bas sur cette échelle spécifique. De quoi relancer instantanément le FUD autour du plus gros stablecoin du marché.
La réaction de Paolo Ardoino ne s’est pas fait attendre. Le CEO de Tether accuse S&P de sous-estimer massivement la situation financière du groupe, voire d’ignorer des pans entiers du bilan.
re: Tether FUD
From latest attestation announcement (Q3 2025):
"Tether will continue to maintain a multi-billion-dollar excess reserve buffer and an overall proprietary Group equity approaching $30 billion."
Tether had (at end of Q3 2025) ~7B in excess equity (on top of the…
Selon lui, la lecture faite par l’agence est incomplète, donc trompeuse pour le marché.
Ardoino brandit les 215 Mds$ d’actifs du groupe
Au cœur de la riposte, il y a les chiffres. Ardoino rappelle que, fin T3 2025, le Tether Group affichait environ 215 milliards de dollars d’actifs, pour 184,5 milliards de dollars de passifs liés aux stablecoins.
D’abord, environ 7 milliards de dollars d’equity excédentaire par rapport aux réserves strictement allouées aux stablecoins. Ensuite, près de 23 milliards de dollars de bénéfices non distribués inscrits dans les fonds propres du groupe.
À cela s’ajouterait, toujours selon lui, un flux récurrent d’environ 500 millions de dollars de profits mensuels provenant des Treasuries américains, même dans un environnement de taux en baisse.
C’est précisément ce que Tether reproche à S&P : ne pas intégrer cette couche supplémentaire d’equity et de profits dans son évaluation de la robustesse du peg.
Résultat, la note « weak » alimente un climat d’inquiétude que la société juge infondé au regard de ses comptes.
Bitcoin, or et risque de choc : le scénario noir d’Arthur Hayes
Dans le camp d’en face, certains observateurs ne remettent pas en cause l’existence des bénéfices, mais la façon dont Tether les gère. Arthur Hayes, ancien patron de BitMEX, avance une lecture plus agressive du bilan.
Il estime que Tether s’expose davantage au risque de marché en accumulant Bitcoin et or pour compenser la baisse de rendement sur les Treasuries. L’idée est simple : si les taux américains baissent, les revenus d’intérêts se contractent.
Pour maintenir la rentabilité, Tether chercherait alors à capter de la performance via des actifs plus volatils. Rien d’illégal là-dedans, mais Hayes souligne le revers potentiel.
The Tether folks are in the early innings of running a massive interest rate trade. How I read this audit is they think the Fed will cut rates which crushes their interest income. In response, they are buying gold and $BTC that should in theory moon as the price of money falls.… pic.twitter.com/ZGhQRP4SVF
Selon ses calculs, une chute d’environ 30 % de la valeur combinée des positions en BTC et en or suffirait à effacer l’equity, rendant USDt « théoriquement » insolvable sur le papier. C’est un scénario extrême, mais c’est lui qui nourrit la méfiance d’une partie du marché dès que la volatilité remonte.
Dans un environnement où USDt est devenu une pièce maîtresse de l’infrastructure crypto, le moindre doute sur la qualité des réserves a un effet démultiplié.
Un ex-analyste de Citi démonte le FUD chiffré
À cette vision très prudente répond une autre, tout aussi argumentée. Joseph Ayoub, ancien responsable de la recherche actifs numériques chez Citi, explique avoir passé « des centaines d’heures » sur le dossier Tether lorsqu’il était en poste.
Sa conclusion va à l’opposé de celle de Hayes. Ayoub affirme que Tether dispose d’actifs en excès au-delà de ce qui est mis en avant dans les rapports publics, et qu’il s’agit de l’un des business les plus rentables du secteur : des milliards de revenus d’intérêts annuels, pour une structure opérationnelle d’environ 150 employés.
Un débat qui dépasse Tether et touche toute la DeFi
Au-delà de la passe d’armes, l’enjeu est systémique. USDt est omniprésent sur les plateformes d’échange, dans les pools DeFi, sur plusieurs blockchains.
Une remise en cause durable de sa solidité, même uniquement au niveau de la perception, modifie les comportements : rotations vers d’autres stablecoins, hausse du coût du capital dans certains protocoles, réévaluation du risque contrepartie dans les desks de trading.
Pour l’instant, Tether répond frontalement, chiffres à l’appui, et le peg tient. S&P, de son côté, rappelle aux investisseurs que même les piliers de l’écosystème ne sont pas au-dessus du risque.
Entre les deux, le marché arbitre, une ligne de carnet d’ordres à la fois.
Issu de la finance traditionnelle, j’ai naturellement basculé vers l’univers crypto, attiré par son potentiel. Je souhaite y apporter mon approche analytique et rationnelle, tout en conservant ma curiosité.
En dehors de l’écran, je lis beaucoup (économie, essais, un peu de science-fiction) et je prends plaisir à bricoler. Le DIY, pour moi, c’est comme la crypto : comprendre, tester, construire soi-même.
Share:
Articles similaires
Nous utilisons des cookies pour nous assurer que vous bénéficiez de la meilleure expérience possible sur notre site web. Si vous continuez à utiliser ce site, nous considérons que vous acceptez ces conditions.Ok