ATMs Crypto : l’Australie veut pouvoir les bloquer à tout moment

Feu orange sur les distributeurs de crypto. Canberra prépare un outil pour donner à AUSTRAC le pouvoir de restreindre, voire d’interdire, les crypto ATMs classés « produits à haut risque ».

Pas d’interdiction générale au programme, assure le ministre Tony Burke, mais un coupe-circuit légal activable quand les indicateurs virent au rouge. Derrière, une réalité qui s’impose : l’Australie est devenue le troisième hub mondial avec environ 2 000 machines, et les autorités voient une part inquiétante des flux liée aux arnaques et aux mules.

Emmanuel Roux Par Emmanuel Roux Dernière mise à jour 4 mins lecture
ATMs Crypto : l’Australie veut pouvoir les bloquer à tout moment

Pour Résumer

  • L’Australie veut donner à AUSTRAC le pouvoir de limiter ou couper temporairement les crypto-ATMs jugés à risque.
  • L’objectif est de freiner le blanchiment et les arnaques tout en maintenant un usage légitime sous contrôle.
  • Canberra choisit une approche flexible : intervention rapide, puis levée des restrictions une fois la conformité prouvée.

Un coupe-circuit réglementaire, pas un bannissement

Le gouvernement veut doter AUSTRAC d’un mandat à « géométrie variable » pour limiter rapidement la taille des transactions ou couper des terminaux jugés problématiques.

L’argument est carré : éviter les déplacements massifs de cash difficilement traçables vers la crypto quand les banques bloquent des virements suspects.

En clair, du pouvoir d’action immédiat, puis un retour à la normale une fois le risque éteint. Une consultation est annoncée pour affiner seuils, exemptions et phasage d’application.

Dans les coulisses, AUSTRAC met en avant ses chiffres : près de 150 000 opérations annuelles et environ 275 millions de dollars qui transitent par ces machines.

Les équipes parlent d’un usage très concentré et d’une surexposition des personnes âgées, un public devenu la cible favorite des fraudeurs organisés. Ici, l’outil légal sert surtout à passer vite du diagnostic à l’intervention.

Pourquoi ces automates préoccupent Canberra

Le régulateur ne découvre pas le sujet. Depuis juin, des plafonds opérationnels et des obligations renforcées pèsent déjà sur les opérateurs : limites sur les dépôts cash et alertes anti-scam.

Malgré cela, les forces de l’ordre ont tracé un usage très « criminogène » chez les gros utilisateurs : sur un échantillon de 90 profils, 85 % sont des victimes d’arnaques ou des mules manipulées. C’est précisément ce type de signal qui pousse le gouvernement à armer AUSTRAC pour des coupes ciblées.

Le contexte n’aide pas. L’Australie a vu ses crypto ATMs passer d’une poignée d’unités à plus de 2 000 en trois ans, avec une proportion écrasante de dépôts en espèces, donc à haut risque blanchiment selon les autorités.

D’où l’idée d’un outil réversible : intervenir vite sur des points chauds, puis desserrer l’étau si les garde-fous techniques et la conformité suivent.

L’industrie brandit la conformité, la vigilance reste de mise

Les opérateurs rétorquent que les machines ne sont pas une zone grise : il y a KYC obligatoire avec pièce d’identité, caméras, monitoring pré-transaction via outils d’analyse on-chain et messages d’alerte contre les scams.

Ils rappellent aussi que des plafonds existent déjà et que la plupart des clients légitimes utilisent ces bornes comme un pont vers l’écosystème numérique, alors que les banques réduisent leurs services cash.

Dans la pratique, la ligne sera donc fine. Un cadre trop restreint tuerait l’usage légitime et pousserait en effet vers des circuits plus opaques.

Un cadre trop permissif rouvre l’autoroute aux arnaques sentimentales et aux « techniciens » qui accompagnent des victimes jusqu’à la borne.

Ce que change concrètement le dispositif

À court terme : capacité pour AUSTRAC de classer un produit, un service ou un canal de distribution comme « à haut risque » et d’imposer des restrictions temporaires, jusqu’à l’extinction des signaux d’alerte.

Sur le moyen terme : un filet plus serré entre banques, opérateurs et forces de l’ordre pour éviter que des virements bloqués migrent vers la borne la plus proche.

À long terme : une normalisation des ATMs qui passeront donc le test de robustesse, avec des oracles d’identité et des workflows anti-fraude mieux intégrés. Le message politique est lisible, sans posture : protéger le public et la disponibilité du crédit, sans disqualifier un canal utile quand il est bien encadré.

Le Royaume-Uni a en effet choisi la voie du « temporaire » sur d’autres sujets crypto, la Nouvelle-Zélande a carrément interdit les ATMs cette année. L’Australie opte pour une troisième voie, plus granulaire, où l’on coupe à la demande et où l’on rouvre quand la conformité suit.

À l’échelle du marché, c’est donc un test grandeur nature : si les opérateurs maintiennent le KYC, l’analyse comportementale et les limites cash, l’outil restera un coupe-circuit d’exception plutôt qu’un bouton « stop » permanent.


À lire aussi :

Actualités
Emmanuel Roux

Issu de la finance traditionnelle, j’ai naturellement basculé vers l’univers crypto, attiré par son potentiel. Je souhaite y apporter mon approche analytique et rationnelle, tout en conservant ma curiosité. En dehors de l’écran, je lis beaucoup (économie, essais, un peu de science-fiction) et je prends plaisir à bricoler. Le DIY, pour moi, c’est comme la crypto : comprendre, tester, construire soi-même.

Articles similaires