Chine : Pékin bloque les projets de stablecoins privés d’Ant et JD

Le paysage financier chinois vient de subir un sérieux coup de frein. Les ambitieux projets de stablecoins portés par les géants Ant Group et JD.com à Hong Kong ont été brutalement interrompus. La raison ? Une opposition ferme et directe des régulateurs de Pékin, rappelant qu’il ne saurait y avoir de monnaie privée échappant au contrôle de l’État.

Emmanuel Roux Par Emmanuel Roux Dernière mise à jour 4 mins lecture
Chine : Pékin bloque les projets de stablecoins privés d’Ant et JD

Pour Résumer

  • Pékin a ordonné à Ant Group et JD.com de suspendre leurs projets de stablecoins à Hong Kong, malgré le cadre légal favorable local.
  • La Chine justifie cette décision pour préserver sa souveraineté monétaire et éviter toute concurrence au yuan numérique (e-CNY).
  • Ce blocage envoie un message clair : l’innovation financière en Chine reste strictement sous le contrôle de l’État.

Hong Kong se positionne comme hub stablecoin

Ant Group, la filiale financière du géant Alibaba, et JD.com, son grand rival dans l’e-commerce, voyaient Hong Kong comme un terrain de test parfait pour ses projets.

Ant Group avait notamment planifié de déposer une demande de licence par l’intermédiaire de sa division internationale. De son côté, JD.com envisageait très activement l’émission de jetons numériques qui seraient arrimés au yuan offshore. Ces entreprises travaillaient d’arrache-pied sur leurs propres stablecoins.

Il faut se souvenir que, depuis de nombreux mois, Hong Kong affiche clairement son grand projet. Elle veut devenir l’une des hubs mondiaux incontournables pour l’ensemble des cryptomonnaies.

Banque centrale chine en Pékin

En effet, la ville a même franchi une étape importante avec l’adoption du Stablecoins Ordonnance en mai 2025. C’est une loi qui encadre l’émission de stablecoins adossés aux devises traditionnelles comme le yuan ou le dollar.

Clairement, toute entreprise qui rêve de lancer un stablecoin lié à fiat doit impérativement décrocher une licence. Elles doivent le demander plus précisément auprès de l’autorité monétaire d’Hong Kong, la HKMA. C’est une façon intelligente pour Hong Kong de jeter les bases solides d’un environnement crypto bien plus fiable, plus rassurant pour le public.

Avec le feu vert d’Hong Kong, on ne peut pas nier que c’est une énorme opportunité pour les entreprises privées intéressées par l’émission des stablecoins.

Cependant, cet élan n’a pas duré longtemps : Pékin est rapidement intervenu. De plus, cette décision intervient au moment où les stablecoins ont un intérêt croissant pour les gouvernements.

Pourquoi Pékin a serré la vis ?

Dès le mois du juin, plusieurs sources proches du dossier, dont FT, ont révélé une intervention musclée de la Banque populaire de Chine (PBoC) et de la Cyberspace Administration of China (CAC). Ces deux régulateurs auraient tout simplement demandé à Ant Group et JD.com de mettre sur pause leurs projets de stablecoins basés à Hong Kong.

Officiellement, Pékin justifie cette décision par une inquiétude bien connue. En effet, laisser des entreprises privées émettre leur propre monnaie pourrait fragiliser l’autorité monétaire de l’État. Comme l’a résumé un responsable chinois :

« le droit d’émettre une monnaie appartient au pouvoir central, pas aux marchés. »

Alors qu’Hong Kong voulait séduire les investisseurs et les innovateurs étrangers, Pékin a préféré rappeler que la souvaireneté financière n’est pas une affaire de négociation.

Derrière ce durcissement se cache une conviction profonde. Le gouvernement chinois insiste sur le fait que la stabilité financière et le contrôle de la monnaie sont des piliers essentiels de la sécurité nationale. Cette décision nous rappelle celle de la Banque d’Angleterre qui a mis un plafond temporaire sur ces types jetons.

Le rêve hongkongais des géants tech s’envole

Les deux groupes, bien que puissants et proches du pouvoir, ont donc dû plier face aux injonctions. Le coup est plus dur pour Ant après que son introduction en bourse a été suspendu en 2020.

L’arrêt forcé de ces projets envoie un signal fort à l’ensemble de l’industrie technologique et financière chinoise. Il établit une ligne rouge infranchissable : l’innovation dans le domaine des actifs numériques ne peut se faire que sous l’égide de l’État.

Pour la Chine, elle promeut activement son propre yuan numérique, le e-CNY. Il s’agit d’une monnaie digitale de banque centrale (MDBC) soigneusement contrôlée par la PBoC.

Autoriser des stablecoins privés aurait créé une concurrence directe et non désirée pour cette initiative d’État. Pour Pékin, il est hors de question de laisser le secteur privé empiéter sur ce qui est considéré comme un domaine régalien par excellence.


À lire aussi :

Actualités, Réglementation
Emmanuel Roux

Issu de la finance traditionnelle, j’ai naturellement basculé vers l’univers crypto, attiré par son potentiel. Je souhaite y apporter mon approche analytique et rationnelle, tout en conservant ma curiosité. En dehors de l’écran, je lis beaucoup (économie, essais, un peu de science-fiction) et je prends plaisir à bricoler. Le DIY, pour moi, c’est comme la crypto : comprendre, tester, construire soi-même.

Articles similaires