Sanae Takaichi, la “Dame de fer” japonaise, pourrait bouleverser la crypto

Sanae Takaichi vient de prendre la tête du Parti libéral-démocrate et doit être désignée première ministre lors de la session extraordinaire du 15 octobre. Figure conservatrice, héritière assumée du volontarisme économique de l’ère Abe, elle n’a presque rien dit de la crypto.

Pourtant, son agenda pro-croissance et ses alliances possibles au Parlement peuvent rebattre les cartes d’un dossier suivi de près par l’écosystème japonais. Entre fiscalité, coopération avec l’opposition et premier tête-à-tête avec Washington, les signaux faibles s’accumulent.

Emmanuel Roux Par Emmanuel Roux Dernière mise à jour 4 mins lecture
Sanae Takaichi, la “Dame de fer” japonaise, pourrait bouleverser la crypto

Pour Résumer

  • Takaichi arrive avec un mandat pro-croissance qui peut relancer l’innovation crypto au Japon.
  • La réforme fiscale des actifs numériques revient à l’agenda, avec l’idée d’une imposition alignée sur les actions.
  • Si la nouvelle Première ministre parvient à concilier relance, compétitivité et conformité, le pays pourrait enfin offrir un cadre clair à son industrie Web3.

Un mandat pro-croissance qui peut déborder sur la crypto

Takaichi a bâti sa réputation sur une ligne simple. Mettre fin à la déflation, soutenir l’investissement, porter des réformes qui accélèrent la machine productive.

Son style tranche. Elle annonce la couleur dès son élection en interne, promettant de « faire travailler tout le monde comme des chevaux de trait » et de remettre la balance vie pro-vie perso à sa place.

Ce langage de l’urgence économique peut rejaillir sur le numérique et la finance on-chain, même sans feuille de route crypto explicite.

Dans le même temps, sa posture de contrôle et d’orthodoxie juridique peut rassurer une administration prudente face aux risques de blanchiment et de financement illicite. Le curseur entre compétitivité et conformité sera observé de près par les exchanges enregistrés au Japon et les émetteurs de stablecoins qui scrutent chaque inflexion réglementaire.

Le fait que son accession ait été saluée comme un tournant politique renforce l’idée d’un mandat où l’économie prend le dessus sur les symboles, ce qui inclut l’investissement et l’innovation, crypto comprise.

La réforme fiscale crypto remise sur la table

Le cœur du dossier tient en quelques lignes administratives. Le 29 août, l’Agence des services financiers a formellement demandé de rouvrir le chantier de la fiscalité des actifs numériques pour l’exercice 2026.

Deux pivots sont proposés : passer à une imposition séparée d’environ 20% alignée sur les actions et autoriser le report des pertes jusqu’à trois ans. Dans un pays où la taxation progressive peut grimper jusqu’à 55%, le basculement serait déterminant pour les particuliers comme pour les startups Web3.

Ce calendrier technique peut profiter d’une fenêtre politique. Takaichi défend une relance par la dépense publique et des baisses ciblées d’impôts.

Elle pourrait rassembler des voix au-delà de sa base en s’appuyant sur deux partis ouverts aux réformes crypto. Nippon Ishin et le Parti démocrate pour le peuple. Le premier milite pour la dérégulation et l’investissement. Le second a déjà tancé l’immobilisme de l’exécutif précédent sur la taxation des actifs numériques.

Si la majorité cherche des terrains d’entente fiscaux dès la session ordinaire de 2026, la crypto pourrait servir d’accélérateur.

Négocier avec l’opposition et composer avec l’héritage Ishiba

Le contraste avec Shigeru Ishiba est instructif. L’ancien premier ministre par intérim a donné des gages publics à l’écosystème lors de WebX 2025 à Tokyo.

Mais au Parlement, en décembre 2024, il s’était montré prudent sur l’idée d’une imposition séparée. D’où la déception d’une partie de l’industrie. Takaichi ne promet rien, mais son logiciel pro-croissance et la recherche de convergences avec l’opposition ouvrent un espace de manœuvre que son prédécesseur n’a pas exploité.

Reste la mécanique gouvernementale. La continuité au ministère des Finances avec Katsunobu Kato figerait-elle le jeu ? Sous Ishiba, son implication directe sur les sujets Web3 a été limitée. Le ministre du Numérique, Masaki Taira, n’a pas non plus détaillé de doctrine.

À l’inverse, une équipe resserrée pro-compétitivité pourrait accélérer. Le risque existe aussi.

Si la relance budgétaire fait repartir l’inflation trop vite, la Banque du Japon devra resserrer. Pour les actifs risqués, crypto incluse, le vent pourrait tourner.

Quant à la lutte contre le blanchiment, l’ADN conservateur de Takaichi peut conduire à des exigences KYC plus strictes pour les plateformes et les émetteurs, ce qui pèserait sur les coûts de conformité.

Premier test avec Washington

Le premier rendez-vous international de Takaichi s’annonce comme un révélateur. Donald Trump doit passer trois jours à Tokyo fin octobre pour une rencontre bilatérale.

Depuis janvier, la Maison-Blanche a multiplié les marqueurs pro-crypto. Comité consultatif dédié, discours sur des réserves stratégiques en Bitcoin, angle compétitivité industrielle et sécurité énergétique.

Si Tokyo et Washington affichent une volonté commune de capter capitaux et talents Web3, la coopération pourrait porter sur l’accès au marché, la supervision des stablecoins et l’interopérabilité des règles de marché.

À l’inverse, Takaichi peut choisir la voie du réalisme prudent. Consolider le cadre existant, prioriser les semi-conducteurs et l’industrie lourde, laisser au FSA le temps de calibrer sa réforme fiscale.

Dans tous les cas, la séquence qui s’ouvre est charnière. Entre dynamique pro-croissance, alliances parlementaires favorables et premiers signaux diplomatiques, le Japon pourrait enfin donner un cap clair à son industrie crypto.

Les acteurs locaux attendent surtout une chose. De la visibilité.


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Emmanuel Roux

Issu de la finance traditionnelle, j’ai naturellement basculé vers l’univers crypto, attiré par son potentiel. Je souhaite y apporter mon approche analytique et rationnelle, tout en conservant ma curiosité. En dehors de l’écran, je lis beaucoup (économie, essais, un peu de science-fiction) et je prends plaisir à bricoler. Le DIY, pour moi, c’est comme la crypto : comprendre, tester, construire soi-même.

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