La Banque d’Angleterre calme le jeu sur les stablecoins

Sarah Breeden, sous-gouverneure chargée de la stabilité financière, a précisé que les limites sur les stablecoins ont vocation à disparaître une fois le système adapté et les risques de crédit maîtrisés. De quoi refroidir la polémique sans brider l’essor des paiements numériques.

Emmanuel Roux Par Emmanuel Roux Dernière mise à jour 4 mins lecture
La Banque d’Angleterre calme le jeu sur les stablecoins

Pour Résumer

  • La Banque d’Angleterre prévoit des plafonds temporaires sur les stablecoins pour éviter un choc sur le crédit bancaire.
  • Ces limites, fixées entre 10 000 et 20 000 £, visent à encadrer une transition vers une monnaie numérique régulée.
  • L’objectif est clair : réguler sans bloquer l’innovation, le temps d’adapter le système financier.

Temporaire, assumé, et calibré pour l’amorçage

La version sur la table reste graduée. Des plafonds de détention pour les particuliers autour de 10 000 à 20 000 livres, des limites de taille et de tickets pour contenir la vitesse d’adoption, avec la possibilité d’exceptions pour les grandes entreprises.

Le message est clair : l’objectif n’est pas de figer un plafond définitif, mais d’accompagner une montée en puissance qui ne siphonne pas le crédit. La Banque veut aussi un filet de sécurité pour les émetteurs systémiques, via un régime de résolution afin d’assurer la continuité de service en cas de défaillance.

Sur les rails, une consultation publique arrive pour valider les niveaux, le phasage et les exemptions. Les acteurs pourront défendre une granularité différente entre particuliers, PME et grands comptes, et pousser des garde-fous adaptés aux usages professionnels.

L’idée, côté régulateur, est de piloter la transition vers un système à « multiples formes de monnaie » sans casser le financement de l’économie.

Pourquoi mettre un plafond maintenant

Le risque identifié est simple : un déplacement rapide des dépôts bancaires vers des stablecoins peut provoquer une baisse brutale de l’offre de crédit pour ménages et entreprises, surtout au Royaume-Uni où le financement repose davantage sur les banques qu’aux États-Unis.

Un cap temporaire agit comme un disjoncteur le temps que l’écosystème se mette à niveau, que les connexions entre banques, émetteurs et infrastructures de paiement se densifient, et que les modèles de risque s’alignent.

Dans ce schéma, la Banque rappelle aussi sa préférence pour que les paiements de gros et les règlements de marchés d’actifs restent ancrés dans la monnaie des banques centrales, afin d’éviter des interconnexions inutiles et des boucles d’instabilité. Cela n’exclut pas les dépôts tokenisés ni les stablecoins régulés dans les marchés tokenisés mais cela cadre leur rôle.

Consultation et exceptions

Le ton s’est adouci depuis la bronca de septembre. La Banque d’Angleterre ouvre la porte à des seuils plus élevés pour certaines entreprises, à des exemptions pour des secteurs comme la grande distribution.

Le régulateur cherche un équilibre : protéger le crédit et la stabilité, tout en laissant aux fintechs et aux acteurs crypto l’espace pour livrer des produits concrets.

Dans le détail, la consultation doit en effet préciser la gouvernance des oracles de prix, la ségrégation des réserves, l’accès aux comptes de règlement pour les émetteurs systémiques et les procédures de continuité d’activité. Le partage des rôles est posé : BoE pour les stablecoins systémiques en sterling, FCA pour les autres, Trésor et Banque sur un régime de résolution.

Message au marché : réguler sans verrouiller

Le rappel de temporalité change donc la donne pour l’industrie. Les plafonds deviennent un garde-fou de phase pilote, pas un plafond de verre.

Les émetteurs crédibles y voient l’occasion d’avancer sur les chantiers qui comptent. Côté utilisateurs, le signal est lisible : les stablecoins doivent pouvoir tenir un rôle dans les paiements, mais pas au prix d’une crise monétaire.

Sur le terrain politique, le Royaume-Uni se replace dans la course sans promettre la lune. L’Europe a MiCA, les États-Unis empilent des textes sectoriels, Londres veut un régime pragmatique qui évite les angles morts et clarifie l’horizon pour les investisseurs.

Le marché, lui, n’attend donc pas un grand soir. Il veut en effet des règles jouables et un arbitre qui n’entre pas sur le terrain à chaque mèche.

La Banque d’Angleterre ne ferme pas la porte aux stablecoins. Elle demande du temps, de la transparence et des amortisseurs.

Si la consultation accouche d’un cadre qui tient ses promesses, Londres peut donc offrir une place où les paiements numériques évoluent sans fragiliser le crédit. Le compromis n’a rien de spectaculaire mais il est efficace : calmer le jeu aujourd’hui pour éviter de le casser demain.


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Emmanuel Roux

Issu de la finance traditionnelle, j’ai naturellement basculé vers l’univers crypto, attiré par son potentiel. Je souhaite y apporter mon approche analytique et rationnelle, tout en conservant ma curiosité. En dehors de l’écran, je lis beaucoup (économie, essais, un peu de science-fiction) et je prends plaisir à bricoler. Le DIY, pour moi, c’est comme la crypto : comprendre, tester, construire soi-même.

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